C'est ma soirée, je profite d'avoir internet pour poster certains de mes textes...
Celui ci aura mis longtemps pour venir sous ma plume (commencé en septembre 2009, fin en août 2010), et pourtant il est encore une fois assez court, je ne sais pas ce que donne le résultat.
J'attends vos avis, j'espère qu'il saura vous plaire un peu...
Au bout de la solitude
Il fait nuit sur la mer. La lune se lève, immense et pleine.
Dans cette obscurité obscène, une silhouette. Forme humaine. Debout à l'extrémité de la terre il voudrait se croire au milieu de la mer. Loin de ceux
qui se sont eux-mêmes donné le nom d'Hommes. Il voudrait se croire seul, mais par choix. Pas comme il l'est actuellement. Il voudrait aussi pouvoir encore se croire humain.
Il voudrait pouvoir se rêver innocent...
Il est sur le port d'une grande ville, dont il a oublié le nom. Pas que ce nom aie une quelconque importance maintenant, mais cet oubli lui paraît soudain important. Cette ville était peut-être américaine, ou chinoise. Peut-être même était-ce une de ces anciennes villes européennes ? Il n'en sait plus rien. Il ne sait rien des hommes qui ont foulé ce ponton avant lui, qui ont travaillé avec ces bateaux à quai qu'il a dépassé un peu plus tôt. Ni de ceux qui comme lui sont venus perdre leurs pensées dans les eaux déjà insondables de la mer.
Comme lui... Vraiment ?
Non.
Il n'y a personne qui soit comme lui. Plus personne.
Plus d' « homme », plus de « semblable ».
Peut-il encore se dire « homme » d'ailleurs ?
Un peu comme si le monde entier s'était éteint avec son humanité...
Ce n'est sans doute pas tout à fait faux.
Que reste t-il du monde quand il n'y a plus personne pour le voir ? Pour le définir comme monde?
La lune évolue dans le ciel avec le cours de ses pensées.
La brume se lève.
Brume venant des corps encore chauds mais inertes, déjà en train de se refroidir pour leur sommeil.
Long sommeil.
Comme il voudrait oublier...
Mais le silence presque irréel le ramène toujours à ses pensées.
On dit que face à la douleur l'oubli devient parfois une obsession. La seule solution...
Dans cette brume qui se fait toujours plus dense, par un sursaut de pudeur peut-être, on ne voit plus que ses yeux.
Debout sur la jeté il voudrait pouvoir encore faire semblant de prier pour quelqu'un. Pour lui peut-être, pour un peu de bonheur. Prier la mer comme le faisaient ces épouses pleurant pour le retour des marins. Mais ce n'est pas comme si quelqu'un pouvait encore revenir, à présent.
Et pourtant ses yeux sont hantés par bien trop de fantômes. Revenants encombrants mais étrangement silencieux.
Mais qu'est-ce qui pourrait encore être étrange ? Ce n'est pas comme s'il subsistait des normes...
Un bruit crève le silence.
Soudain, inattendu. Parce qu'il n'y avait plus personne pour l'attendre. Pour l'entendre.
Sur le ponton la silhouette a disparu.
L'horizon est à nouveau vierge de toute présence.
Demain, à l'aube, quand le soleil se lèvera, immense et neutre, aucun journal ne parlera d'un corps trouvé dans l'eau. Aucun ne parlera de la disparition d'un grand scientifique, nominé au prix Nobel pour ses recherches de vaccin contre le virus de l’Ebola, virus mortel, tellement mortel... Personne ne parlera des effets de sa dernière mutation, provoquée accidentellement lors des recherches, ayant permis à la souche Reston, tuant par simple inhalation, d’affecter les hommes et non plus les singes, de devenir aussi volatile que l'air lui-même mais toujours plus mortelle...
Lui ayant permis d'éradiquer l'humanité entière...
A l'exception d'un seul, ayant inhalé par erreur sa première mutation : ce vaccin tant recherché...
Personne ne verra ces yeux tournés vers le ciel, enfin désertés par les fantômes, s'enfoncer lentement dans les eaux.
Retourner à la mer, l'eau salée devenant les larmes de ces yeux ouverts à jamais.
Mais vides d'espoir.
FIN