Reclassement de la fiction offerte à Vaunie l'an passé.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Hank Steinberg. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
La solitude
Il y avait trop longtemps que Martin Fitzgerald se taisait et gardait pour lui ses sentiments. Dans son milieu, on ne se « répand » pas. Ni son père ni sa mère n’avaient le temps pour des « jérémiades », des « détails » à leurs yeux.
Vue de l’extérieur, la vie de Martin était privilégiée : des parents aisés, sûrs d’eux, exerçant des professions reconnues, des nounous bien payées qui s’occupaient attentivement de lui, des écoles privées hors de prix où on inculquait aux élèves le respect des lois et de la patrie en même temps qu’on leur faisait prendre en compte leur importance présente et surtout à venir…
Une enfance qu’on aurait qualifiée de dorée.
Pourtant c’était surtout une enfance solitaire… une enfance sans personne à qui parler… une enfance où le manque d’attention de ses parents était pire que le manque d’argent chez d’autres.
Alors très tôt Martin avait appris à observer plutôt qu’à participer, à se taire plutôt qu’à partager et à donner plutôt qu’à recevoir.
J'devais avoir dix ans
Quand j'me suis dit maint'nant
A personne, je dirai plus rien
Même si ça me fait du bien
J'ai pas t'nu ma promesse
Et les soirs de détresse
Quand le blues a retrouvé mon adresse
A des paumés d'un soir
J'raconte mon désespoir
Mais je sais bien que personne n'écoute
Oui je sais que personne n'écoute
De son enfance dans les bas quartiers de la ville, Danny Taylor avait très vite appris à ne se fier à personne… sauf peut-être à Raphaël. Mais Raphaël l’avait trahi, lui aussi, en basculant dans la délinquance, l’abandonnant à son sort.
Depuis que Danny Alvarez avait laissé place à Danny Taylor, il refusait de se livrer. Il était devenu un sans passé, un autre homme, sans attache, sans famille…
Lorsque ce que vous a appris votre père se résume à apprendre à encaisser les coups, vous apprenez très vite à ne pas vous faire remarquer, à ne pas faire confiance.
La solitude
Ça s'apprend
La solitude
Ça s'apprend
C'est pour une femme qui vous ment
Pour un ami qui vous vend
La solitude
Combien d'fois j'suis parti
Seul au milieu de la nuit
Combien d'fois j'ai tendu les mains
Pour dire à quelqu'un
Je t'aime, à toi je tiens
Mais je sais bien que personne n'écoute
Oui je sais bien que personne n'écoute
Deux enfances aux antipodes l’une de l’autre : d’un côté la bonne bourgeoisie protégée, de l’autre ce quart-monde violent où on se pense trop souvent sans avenir.
Et pourtant deux solitudes, chacune à leur façon. Deux solitudes qui rapprochaient ces deux hommes que tout aurait dû séparer.
Cela ne s’était pas fait en un jour. A l’arrivée de Martin, Danny s’était montré franchement hostile : pour lui, le jeune homme n’avait rien à faire dans leur équipe. Il était, à ses yeux, au mieux un « parachuté » qui cherchait une sinécure, au pire une « taupe » chargé de renseigner leurs supérieurs sur le moindre de leurs manquements, et avec un chef d’équipe comme Jack Malone, les manquements était quasi leur pain quotidien. Ca aurait même été pire sans Vivian qui était la garante de l’orthodoxie relative du groupe.
Pour Danny, Martin n’avait pas sa place parmi eux. Et puis, petit à petit, ils s’étaient reconnus : deux solitudes qui se complétaient.
La solitude
Ça s'apprend
La solitude
Ça s'apprend
C'est pour une femme qui vous ment
Pour le chagrin d'un enfant
La solitude
C'est comme la peur
On vit avec, mais on en meurt
La solitude
Je connais ceux qui veulent
A tout prix vivre seuls
C'est vivre dans un désert
Le coeur froid comme la pierre
Et moi j'veux pas
Non j'veux pas
Oh, ça ne s’était pas fait en un jour, loin de là.
Il avait d’abord fallu passer de l’hostilité à la tolérance : une sorte de paix armée entre les deux hommes qui apprenaient petit à petit à se connaître, sans pour autant vraiment s’apprécier.
Et puis était venue l’amitié : au fur et à mesure qu’ils se découvraient mutuellement, ils commençaient à voir les qualités de l’autre, ses fêlures aussi, celles qui le rendaient plus humain.
Ensuite… ensuite ils avaient lentement dérivé vers quelque chose de plus doux et de plus violent à la fois. Il leur avait alors fallu batailler dur avec leurs propres tabous : pour Danny, le latino un brin macho par excellence, être attiré par un homme était inenvisageable ; pour Martin, destiné depuis son enfance à devenir un homme politique influent, se découvrir gay était tout simplement inadmissible.
Mieux vaut être seul que mal accompagné, dit l’adage. Pour chacun des deux hommes, être accompagné de l’autre dans la vie de tous les jours n’était tout simplement pas possible.
La solitude
Ça s'apprend
La solitude
Ça s'apprend
C'est pour une femme qui vous ment
Pour un ami qui vous vend
La solitude
C'est comme le vent
Quand c'est trop fort
Ça vous rend...
La solitude
C'est pour une femme qui vous ment
Pour un ami qui vous vend
La solitude
La solitude
Et puis il y avait eu la fusillade : Martin qui gisait au sol, dans une mare de sang et Danny qui hurlait pour qu’on vienne à leur secours, tout en implorant son équipier de ne pas mourir.
Et maintenant il était là, auprès du lit, tenant la main de celui qui comptait tant pour lui, tremblant à l’idée qu’il parte sans qu’il puisse lui dire ce qui importait.
Et finalement Martin ouvrit les yeux, directement pour les plonger dans ceux de son ami, ces yeux bruns qui s’emplissaient de larmes de joie et de tendresse.
Au moment où leurs lèvres s’unirent pour la première fois, Martin Fitgerald et Danny Taylor comprirent qu’ils ne seraient plus jamais seuls.
FIN
Chanson de Florent Pagny