
Captain!
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Shane Brennan d’une part et Cheryl Heuton & Nicolas Falacci d’autre part. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Faut-il un peu te perdre
Il était parti, il était parti comme on s’enfuit. En lâche aurait dit Sam. Sam… son pote, son meilleur ami. Même à lui il n’avait pas pu se confier. Comment dire ce que lui-même avait tant de mal à comprendre ?
G se demandait d’où lui venait cette impossibilité de se poser, d’accepter le bonheur quand il était à sa portée. Ou plutôt il se demandait s’il pourrait un jour se laisser simplement porter parce qu’il savait très bien d’où venait le blocage, il ne le savait que trop bien !
Il était parti parce qu’il avait été rattrapé par ses peurs les plus profondes.
Tant que j’aurai besoin de toi
Comme un poisson de l’océan,
Tant que j’aurai besoin de toi
Comme un oiseau des mains du vent,
Ma vie sera ta vie, mais grises nos saisons,
Mon cœur sera ton cœur, mais froides nos passions.
Son enfance dévastée par le manque d’amour ne l’avait pas préparé à se laisser aimer et à aimer en retour. Pourtant, dans le même temps, elle l’avait assoiffé de tendresse et d’attention et il avait cherché si longtemps quelqu’un qui réponde à ce besoin jusque-là inassouvi.
Et lorsqu’enfin il l’avait trouvé en la personne d’un sublime agent du FBI, il se révélait incapable de répondre à cet amour qu’il avait pourtant réclamé dans ses rêves du plus loin qu’il s’en souvenait.
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer vraiment ?
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer longtemps ?
Colby ne correspondait vraiment pas à la femme qu’il pensait un jour voir entrer dans sa vie lorsqu’il avait une quinzaine d’années et qu’il aurait donné le peu qu’il possédait alors pour être comme les autres. Impossible à l’époque d’accepter qu’en plus de son statut d’orphelin malaimé il puisse être gay !
Et puis avec l’âge était arrivé le temps où il avait été capable d’affronter sa réalité : il ne ferait jamais sa vie auprès d’une femme, quelle qu’elle soit. Si un jour il devait donner son cœur, ce serait à un homme.
Et Colby était entré dans sa vie, comme un ouragan. Il avait tout bouleversé, avait renversé ses certitudes, avait apaisé ses angoisses. Et pourtant… A mesure qu’il s’attachait de plus en plus à son compagnon, ses craintes devenaient plus fortes.
Tant que je ne verrai que toi
Comme la terre voit le ciel,
Tant que je ne verrai que toi,
Comme le jour voit le soleil,
Mes yeux seront tes yeux, mais vide l’horizon,
Mes mains seront tes mains, mais pauvre la moisson.
Etait venu le temps où il avait simplement eu la sensation de se perdre dans leur relation. II avait l’impression de n’être plus lui-même, de ne vivre qu’à travers son compagnon.
Pourtant Colby n’exigeait rien de lui. Il était patient, attentif, toujours prêt à s’effacer pour qu’il se sente mieux, conscient qu’il était que son homme devait avant tout être « apprivoisé », réceptif aux traumatismes de sa vie solitaire. Mais moins l’agent du FBI lui en réclamait, plus, lui, se sentait pris au piège.
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer vraiment ?
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer longtemps ?
G eut un rire amer en finissant le énième verre de sa soirée d’ivresse. Que voulait-il vraiment ? Que lui fallait-il de plus ?
Depuis des années il cherchait à se poser, quoi qu’il en dise, quoi qu’il proclame à ceux qui l’entouraient. Du petit garçon aux yeux tristes qu’il avait été à l’homme au yeux durs qu’il était devenu, le même besoin viscéral lui poignait toujours l’âme : avoir enfin un chez lui, un vrai chez lui où quelqu’un l’attendrait, quelqu’un qui l’aimerait autant que lui l’aimerait.
Et lorsqu’enfin il avait tout ça…
Tant que je ne dirai que toi,
Comme l’abeille dit le miel,
Tant que je ne dirai que toi
Comme la vague dit le sel.
Ma voix sera ta voix, mais triste ma chanson,
Mon corps sera ton corps, mais fades nos frissons.
Il avait quitté la maison qu’ils avaient acquise en commun six mois plus tôt. Qu’est-ce qui avait été déterminant ? Que Colby ait parlé d’adopter un chien en plus de leur chat ? Qu’il ait mentionné qu’un enfant serait heureux de grandir dans ce jardin ? Tout simplement qu’il le regarde avec ce regard chargé d’amour, comme s’il était la plus belle chose qui lui ait été donnée de voir de toute sa vie ?
G n’était pas une belle chose. Il n’était pas quelqu’un de bien. Il voulait tout et son contraire : l’amour de Colby mais sa liberté, la vie en commun mais son espace…
Il voulait que cet amour dure jusqu’à la fin de ses jours. Mais la peur qui le poignait du plus profond de son enfance l’avait rattrapé, le faisant redouter plus que tout qu’un jour son amour s’éloigne de lui, comme s’étaient éloignés tous ceux qu’il avait aimés.
Partir avant que l’autre parte… rompre avant que l’autre ne le fasse… Rejeter pour ne pas l’être…
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer vraiment ?
Faut-il un peu te perdre pour t’aimer longtemps ?
Il tendit la main vers son verre et à ce moment-là une autre main se posa dessus, éloigna l’objet de sa portée. Il leva des yeux déjà furieux vers l’importun : une bonne bagarre : voilà ce dont il avait besoin !
Et puis le poing déjà serré retomba. Face à lui se tenait Colby, les yeux cernés de ces longues heures sans nouvelles de lui, le visage fermé :
- Comment m’as-tu retrouvé ? demanda-t-il.
- Tu oublies que je suis du F.B.I, répliqua son compagnon.
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Je viens te ramener à la maison.
- Et si je ne voulais pas rentrer ?
Le visage de Colby changea : ses traits s’adoucirent et son regard s’éclaircit, laissant voir à G l’étendu de l’amour qu’il ressentait pour lui.
- Pas à moi G… Pas à moi… Tu peux te raconter ce que tu veux, tu peux faire ce que tu veux, dire ce qui te passe par la tête… Tu ne feras jamais que je ne t’aime pas.
- Et si moi je ne t’aimais plus ? renvoya-t-il d’une voix agressive.
La douleur qui traversa le regard aimé fit chavirer son cœur, pourtant il n’esquissa pas un geste. Colby reprit d’un ton triste :
- C’est ça ? Tu ne m’aimes plus ? Tu ne m’as jamais aimé peut-être ?
L’agent du FBI plongea ses yeux dans les siens, cherchant à y lire la réponse que ses lèvres lui refusaient. Devant le mutisme de son compagnon il reprit :
- Tu veux que je m’en aille, c’est ça ?
Incapable de parler, G acquiesça de la tête. Prenant acte de cette réponse muette, Colby enchaîna :
- D’accord. Je vais partir. Il te suffit juste de me dire une chose.
- Quoi ?
- Dis-moi que tu ne m’aimes pas… que tu ne m’aimes plus… Et je m’en vais sans me retourner. Tu n’entendras plus jamais parler de moi.
G ouvrit la bouche mais les mots se refusèrent à passer ses lèvres. Non… Il ne pourrait jamais prononcer ces mots qui lui arracheraient le cœur.
Un petit rire s’échappa de la gorge de Colby :
- Alors ?
Cette fois-ci il agita la tête en signe de dénégation.
Colby émit à nouveau son petit rire et il s’approcha de lui, visage contre visage :
- Tu ne peux pas me le dire hein ? murmura-t-il à son oreille.
La gorge trop nouée pour parler, G se contenta de hocher la tête une fois de plus.
- Alors dis-moi le contraire, susurra Colby d’une voix qui fit courir le sang plus vite dans les veines de son compagnon.
Il se recula un peu pour planter de nouveau ses prunelles claires dans celles de l’homme qu’il aimait et G abdiqua.
Il ne savait pas ce que l’avenir leur réservait : peut-être que leur couple durerait, peut-être pas, mais il ne pouvait pas laisser sa peur gagner.
- Je t’aime, dit-il en prenant le visage de son amant entre ses mains.
Et le baiser qui les unit alors effaça les angoisses et les incertitudes. Ils s’aimaient. Tout le reste ne leur appartenait pas.
FIN
Chanson de Mannick